mardi 11 septembre 2012

Compétence juridictionnelle en matière des contrats de consommation transfrontaliers

L’application de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001  suppose-t-elle que le contrat entre le consommateur et le professionnel ait été conclu à distance ? C’est la question à laquelle la Cour de justice de l’Union européenne, saisie dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, a eu à répondre dans son arrêt du 6 septembre 2012 (aff. n° 90/11) qui vient préciser le champ d’application du régime de protection réservé au consommateur par le règlement "Bruxelles I".
Dans l’espèce en question, une personne, domiciliée en Autriche, a cherché, sur Internet, une voiture de marque allemande qu’elle souhaitait acquérir pour ses besoins privés. Après s’être connectée à la plate-forme de recherche allemande dénommée «www.mobil.de», elle a spécifié la marque et le modèle de véhicule souhaités, jusqu’à ce qu’elle trouve un lien présentant une offre retenant son intérêt.
 Désireuse d’obtenir de plus amples renseignements sur le véhicule proposé sur ladite plate-forme de recherche, elle a contacté les parties défenderesses au moyen du numéro de téléphone indiqué sur le site Internet des défendeurs, lequel incluait un préfixe international. Le véhicule en question n’étant plus disponible, un autre véhicule lui fut proposé, dont les caractéristiques furent ultérieurement détaillées par courriel. Il lui fut également précisé que sa nationalité autrichienne ne ferait pas obstacle à l’acquisition d’un véhicule auprès des défendeurs.
Par la suite, l’acquéreuse s’est rendue en Allemagne, a signé le contrat de vente et a pris sur place livraison du véhicule. De retour en Autriche, elle a découvert que le véhicule acheté était affecté de vices substantiels et a dès lors demandé aux défendeurs de le réparer, ce qu’ils ont refusé.
 Les parties défenderesses ayant refusé de réparer le véhicule, l’acquéreuse a saisi la juridiction de son domicile, le Landesgericht Wels (Autriche), d’une demande de résolution du contrat de vente du véhicule, qu’elle soutient avoir conclu en tant que consommatrice avec une entreprise ayant dirigé son activité commerciale ou professionnelle vers l’Autriche, une hypothèse couverte par l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I.
Le 10 mai 2010, le Landesgericht Wels, a rejeté le recours en se déclarant incompétente, estimant que l’accessibilité du site Internet des parties défenderesses en Autriche ne suffisait pas à fonder la compétence des juridictions autrichiennes, que l’appel téléphonique de la requérante avait été à l’origine de la conclusion du contrat et qu’il ne résultait pas du courrier, qui avait été ensuite envoyé, que les parties défenderesses avaient dirigé leurs activités vers l’Autriche.
Cette dernière décision a fait l’objet d’un recours en «révision» devant l’Oberster Gerichtsthof, lequel a décidé de surseoir à statuer et a demandé à la CJUE de dire si l’application de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement "Bruxelles I" suppose que les contrats soumis à son champ d’application aient été conclus à distance.
L’article 15 paragraphe 1, sous c), du règlement "Bruxelles I" dispose en effet que :
"En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice des dispositions de l'article 4 et de l'article 5, point 5:
[…]
c) lorsque […] le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités".
S’appuyant sur l’objectif poursuivi par l’article 15 paragraphe 1, sous c), du règlement "Bruxelles I", notamment la protection des consommateurs, mais également sur le contexte normatif de celui-ci, la CJUE a constaté que ladite disposition "ne conditionne pas explicitement son application au fait que les contrats soumis à son champ d’application aient été conclus à distance". En effet, selon la Cour, « la condition essentielle à laquelle est subordonnée l’application de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement Bruxelles I est celle liée à l’activité commerciale ou professionnelle dirigée vers l’État du domicile du consommateur ». A cet égard, « tant la prise de contact à distance, telle que celle en cause au principal, que la réservation d’un bien ou d’un service à distance ou, a fortiori, la conclusion d’un contrat de consommation à distance sont des indices de rattachement du contrat à une telle activité ».
Par conséquent, le consommateur peut assigner le commerçant domicilié dans un autre Etat membre, devant les tribunaux nationaux, alors même que le contrat n’a pas été conclu à distance, à condition :
1.      que le vendeur exerce ses activités commerciales ou professionnelles dans l’Etat membre où réside le consommateur, ou qu’il dirige par tous moyens, par exemple par internet, ses activités vers cet Etat membre, et
2.      que le contrat litigieux entre dans de telles activités.